« … tout cela va me coûter beaucoup d’argent… mais ces détails vous ennuient… vous fatiguent… ne songez qu’au plaisir… Allons messieurs, le jeu, la danse, sont ici à votre discrétion ; faites honneur à la Folie Beaujon… », La folie Beaujon ou l’enfant du mystère, Charles-Désirée Dupeuty, Edmond Rochefort, 1837.
Un demi-siècle après la fin de l’Ancien Régime on se souvenait très bien de ce grand banquier de Louis XVI, Nicolas Beaujon (Photo n°1), propriétaire d’immenses domaines et qui, devenu impotent se fit une vocation d’entretenir toutes les courtisanes les plus ambitieuses de Paris, appelées les « berceuses » parce qu’il leur consacra une maison près de la grille Chaillot, aux Champs-Élysées. La presse de l’époque en fit ses choux gras et les révolutionnaires stigmatisèrent les comportements des plus grands personnages, du clergé, de la noblesse et de la finance. Véritable vaudeville du siècle des Lumières, les aventures érotico-financières de ce grand banquier croisent tous les fils de la notabilité, entre réseaux d’alliances, bienfaisance et politique.
Nicolas Beaujon (1718-1786), la fortune de Bordeaux à Paris
Originaire de Bordeaux, Nicolas Beaujon fit fortune en étant receveur des finances de la généralité de La Rochelle puis de Rouen. Cette charge était d’autant plus chère à acquérir (autour d’un million de livres) que l’acheteur savait en tirer le meilleur profit. Cela consistait c’est-à-dire collecter l’impôt d’une généralité. Il s’enrichit également en spéculant sur les blés comme beaucoup d’autres dans sa situation omnipotente. Il stockait les céréales d’une région entière pour faire monter artificiellement les prix. Cette pratique était très mal considérée, faisait la frayeur des foules toujours susceptibles d’être la proie des disettes. C’était le temps où les contrôleurs généraux des finances successifs tentaient en vain de libérer le commerce des grains. Accaparer les grains pour faire monter les prix faisait des financiers comme des ministres les complices de la faim auprès de l’opinion publique. Le contrôleur général Turgot (1727-1781), auteur de bonnes réformes comme l’abolition des corvées et la liberté du commerce des grains en 1775 échoua dans ce qui devait être la dernière tentative libérale de la monarchie sur le plan économique ; on parla à l’époque du « Pacte des famines » pour illustrer la complicité au plus haut sommet qui jouait avec la vie des Français.
Nicolas Beaujon devint dans cette atmosphère très affairiste le banquier de la cour sous Louis XVI (1774-1792). Il s’était définitivement installé à Paris au début des années 1750. Marié à Louise Élisabeth Bontemps, fille de Louis Bontemps II (1703-1747), l’ancien valet de la chambre ordinaire de Louis XV, chevalier et gouverneur des Tuileries. Cette position était très enviée et très lucrative quand on sait que la monarchie de Louis XVI vivait constamment à crédit et que la dette équivalait à la veille de la Révolution à la moitié du budget ! Beaujon, comme d’autres qui avaient pour noms La Reynière (1733-1793) ou Perregaux (1744-1808) avait accumulé à la fin de sa vie une formidable collection d’œuvres d’art et tous les éléments d’un cabinet d’antiquité.
La baronne d’Oberkirch (1754-1803, photo n°2) grande observatrice de ce grand monde écrit dans ses Mémoires : « « Je ne dis rien des statues, des tableaux, des objets curieux qu’on trouve à chaque pas ; il faudrait un catalogue. La bibliothèque est célèbre ; on y voit des éditions les plus rares. Les princes de la famille royale ont tous donné leur portrait à M. de Beaujon, je ne sais à quel titre ; peut-être est-ce à cause de la beauté de ses salons, qui ne sont pas fort grands, mais où tout est soigné, tout est splendide, jusqu’aux plus petits détails ».
De la vie de grand bourgeois au luxe affiché par un grand noble il n’y avait qu’un pas. Il avait une préférence pour les tableaux, notamment la peinture flamande, les sculptures de marbre, les pendules et bien sûr les meubles. Des tables de Martin Carlin (1730-1785), une commode portant l’estampille de Joseph Baumhauer (mort en 1772) font partie de son plus beau tableau de cette chasse néoclassique sur les conseils de l’un des plus grands architectes de ce temps en la personne d’Étienne Louis Boullée (1728-1799).
Une fortune enviée des plus grandes courtisanes
L’argent attirait toutes les convoitises des femmes en mal de mondanités, de positions les plus élevées à la Cour de Versailles et à Paris. Une courtisane était selon l’expression sous-entendue de l’époque une femme déjà mariée et parfois très bien mariée qui se mettait sous la protection d’un homme riche et très en vue. Le bénéfice allait ainsi à toute la famille et le réseau financier étendait ses tentacules très loin, des salons mondains où se bousculaient les peintres et les poètes. L’exemple des trois sœurs Sentuary est très significatif parmi beaucoup d’autres. Nées aux îles Bourbons, elles s’étaient très bien mariées. L’aînée, Marie-Catherine épousa un armateur bordelais, Jean-Louis Testart, grand propriétaire à Saint-Domingue. Ses nombreux voyages permirent à son épouse de fréquenter dans les salons parisiens son amant, le poète Antoine Bertin (Photo n°3). Ce dernier l’appelle Eucharis dans ses poèmes intitulés Amour. Voici comme il la décrit lorsqu’il assiste impuissant à sa mort en 1783 :
« Et moi, je veille, et moi je verse encore des pleurs.
Voici l’heure paisible où l’esclave fidèle
Au chevet d’Eucharis me guidait par la main ;
Voici l’heure où trompant un époux inhumain,
J’entr’ouvrais ses rideaux et me glissait près d’elle.
[…]
Eucharis est absente, Eucharis m’est ravie ;
Eucharis loin de moi vers un ciel en courroux,
Lève un front suppliant, et déteste la vie.
La deuxième fille Sentuary, prénommée Michelle était la plus belle des trois sœurs, « la plus ravissante femme que jamais on ait vue » selon la duchesse d’Abrantès. Michelle inspira d’ailleurs le poète André Chénier qui en fut éperdument amoureux et l’immortalisa sous le nom de Camille dans ses poèmes. Elle épousa en 1768 un homme de vingt ans plus âgé, noble de fraîche date, Nicolas-Cyrille Guesnon de Bonneuil, intéressé aux affaires du Roi et notamment écuyer. Contrairement aux idées reçues, on se mariait pour la dot mais on pouvait aussi se mettre dans des difficultés financières telles qu’une épouse pouvait devenir un atout dans les affaires. C’est ainsi que de placements malheureux en recherche de titre de noblesse, le mari et la femme montèrent s’installer à Paris, notamment après avoir vu le tableau de Michelle « en habit d’africaine » que le peintre Roslin avait exposé dans la capitale. C’est là que Michelle éblouit la capitale et commença à faire fructifier sa beauté. Élisabeth Vigée-Lebrun fut subjugué par la belle et très rebutée par le mari : « A côté de lui, tout en face de moi, se trouvait la plus jolie femme de Paris. Mme de Bonneuil […] qui était alors fraîche comme une rose. Sa beauté si douce avait tant de charme que je ne pouvais en détourner les yeux, d’autant plus qu’on l’avait aussi placée près de son mari, qui était laid comme un singe ».
La dernière sœur Sentuary, Françoise, dite « Éléonore » (Photo n°5), épousa un jeune avocat au parlement de Bordeaux, Jacques Thilorier natif de Saint-Domingue. Elle eut deux enfants et se lassa de la vie provinciale. En 1774, elle prit un amant en la personne de l’intendant Jean-Bernard Clugny et lorsqu’il fut appelé à succéder au contrôleur général Turgot en janvier 1776, elle l’accompagna sans prêter attention aux rumeurs, trop ravie de rejoindre ses sœurs dans la capitale. A peine nommé, l’amant décéda du cyrrhose du foie en octobre. Françoise poursuivit sa quête en attirant dans ses filets Bollioud de Saint-Julien, cette relation fut assortie d’un contrat, nous dit Chamfort, de 60 000 livres. Ce genre d’arrangement servait autant à l’épouse qu’à son mari qui trouvait là des moyens de gravir les échelons et de compenser si on peut dire l’amertume de son cocuage.Ces « courtisanes » étaient bel et bien caractéristiques de cette époque où comme le dit si bien l’écrivain Louis-Sébastien Mercier, elles « ne couchent en joue que les hommes en place et les financiers. Elles sont froides, elles calculent en politiques ce que ne peuvent leur rendre les faiblesses des Grands » (Tableau de Paris, 1781).
C’est ce genre de proies consentantes que Nicolas Beaujon accueillit dans un immense domaine qu’on appela la Folie Beaujon, créant une véritable vitrine en même temps qu’un asile pratique et luxueux pour ces femmes qui faisaient de leur beauté un atout maître.
Nicolas Beaujon et les femmes : le plaisir des seuls yeux
A la fin de sa vie, Nicolas Beaujon est un homme accompli mais très malade ; atteint de la goutte, sans enfants, il ne cessa d’animer sa vie par les yeux, l’odorat, occupation qui lui prit l’essentiel des dernières années de sa vie. La baronne d’Oberkirch écrit : « La vie de ce financier est, à ce qu’on assure, des plus singulières. Il était malade, et il lui était défendu de manger autre chose qu’une sorte de brouet au lait sans sucre. Il donnait des dîners dignes de Comus, il voyait manger ses convives, il sentait l’odeur des mets, et il ne touchait à rien ». La baronne poursuit en soulignant qu’avec les femmes c’était la même chose, « la moindre galanterie lui était défendue, les émotions lui étaient interdites ». Possédant tout, il voulut aussi voir tout dans son entourage, l’animation et la beauté des femmes, leurs espiègleries comme leurs cajoleries.
Il vivait depuis 1773 à l’hôtel D’Évreux, actuel palais de l’Élysée (photo n°6). Ancienne résidence de Madame de Pompadour, la favorite de Louis XV, il devint après sa mort la résidence des ambassadeurs extraordinaires puis devint la propriété de Beaujon. Il procéda à des agrandissements et créa entre autre une immense bibliothèque riche de 400 000 ouvrages, lui qui n’aimait pas lire…
Il acquit près de là des parcelles imbriquées à partir de 1780.C’est là, entre la rue Neuve de l’Oratoire, les Champs Élysées, la place de l’Étoile et la rue du faubourg du Roule qu’il constitua un vaste domaine de près de douze hectares. Le bijou des lieux était un pavillon appelé la Chartreuse mais il y eut également des bâtiments communs dont un fut détaché et acheté en 1846 par Honoré de Balzac, au 22 rue de l’actuelle rue Balzac.
C’est dans ce pavillon de la Chartreuse que Nicolas Beaujon décida d’installer ces courtisanes.
La Folie Beaujon, un lieu de merveilles, de beauté et de rumeurs
L’Almanach du Voyageur de l’avocat Luc-Vincent Thiéry qui date de 1787 décrit le pavillon ainsi :
« Ce bâtiment est fait dans le genre des fermes hollandaises. Le petit pavillon contient un appartement complet. On y voit avec plaisir la salle de billard et la salle à manger décorées en stuc. M. le Barbier l’aîné, peintre du roi, en a fait les deux plafonds. Le salon, sur un plan octogone, est orné d’une collection de tableaux précieux […] On remarque encore dans ce pavillon plusieurs petites pièces agréables, pratiquées d’une manière ingénieuse dans les combles : telle est celle de la corbeille, au milieu d’un bosquet, renfermant un lit. L’escalier qui conduit à toutes ces petites pièces, est en vis à jour ».
De ce havre de beauté et de paix (photo n°7, vers 1830), la baronne d’Oberkirch souligne à quel point il contrastait avec l’état lamentable de son propriétaire : « M. Beaujon me paraît le type d’un malheur incomparable : qu’y a-t-il de plus terrible que cet homme comblé des dons de la fortune, ne pouvant jouir d’aucun, ne trouvant pas une minute de sommeil sous les lambris dorés, sous des courtines de damas des Indes, ne pouvant marcher dans les jardins les plus enchanteurs, ne pouvant supporter même ses carrosses doublés de satin [… Il me fait l’effet de ce personnage de la fable pour lequel tout ce qu’il touchait se transformait en or ».
Ce furent de nombreuses « courtisanes » qui s’installèrent chez lui dans leurs appartements respectifs, distribués soit à l’hôtel d’Evreux, soit dans le pavillon de la Chartreuse qu’on appela aussi l’Ermitage ou la Folie-Beaujon. Moyennant dédommagements très significatifs aux maris, qui parfois les accompagnaient dans cet emménagement inédit, les épouses vivaient dans une presque indépendance d’action. Mme de Bonneuil, Mme Thilorier mais aussi beaucoup d’autres comme Mme de Martinville, Mme Fenouillot de Falbaire, baronne de Cangé, Jeanne-Marie de Précy ou Anne-Catherine-Guillemine Messager étaient les reines des lieux. L’époux de cette dernière, Augustin Testard du Lys, ancien lieutenant criminel au Châtelet de Paris, vivait dans un deux pièces sous les combles de l’hôtel d’Évreux tandis que sa femme occupait un appartement de huit pièces au premier étage !
Les rumeurs allaient bon train à propos de ces lieux qui se prêtaient à tous les fantasmes. Ces dames recevaient qui bon leur semblaient comme des maîtresses de plusieurs maisons imbriquées dans une seule et donnaient des ordres aux domestiques. Beaujon les comblait de cadeaux plus beaux les uns que les autres, cédait à leurs caprices, qu’ils soient des effets de mode ou des services financiers pour leurs propres maris. C’est ainsi que Monsieur de Bonneuil reçut près de 80 000 livres pour financer ses charges dans la maison des princes, emprunta plusieurs fois de grosses sommes pour autant d’échecs de placement. Ces dames s’affublèrent des plus beaux chapeaux à la mode, tel le chapeau « à la caravane » de Madame Thilorier qui faisait fureur à l’époque. Les banquets étaient les moments au cours desquels Beaujon apparaissait pour recevoir des grands personnages comme le tsar Paul 1er et faire admirer son sérail si particulier.
Les berceuses de Nicolas Beaujon
Élisabeth Vigée-Lebrun qui a eu l’occasion de faire le portrait de Beaujon (Photo n°8) témoigne: « Je le trouvais seul, assis sur un grand fauteuil à roulettes, dans une salle à manger; il avait les mains et les jambes tellement enflées qu’il ne pouvait se servir ni des unes ni des autres; […] plus loin, en face de lui, était dressée une table de trente à quarante couverts où se faisait dit-on, une chère exquise, et qu’on allait servir pour quelques femmes, amies intimes de M. de Beaujon, et les personnes qu’il leur plaisait d’inviter; ces dames, toutes fort bien nées et de très bonne compagnie, étaient appelées dans le monde les berceuses de M. de Beaujon. Elles donnaient des ordres chez lui, disposaient entièrement de son hôtel, de ses chevaux, et payaient ces avantages avec quelques instants de conversation qu’elles accordaient au pauvre impotent, ennuyé de vivre seul».
La baronne d’Oberkirch s’est fait la propagatrice historique d’une expression demeurée célèbres à propos de ces drôles de locataires appelées les berceuses. « Le soir sa maison était pleine d’une joyeuse compagnie, le souper était étincelant, les mots et les bouchons se croisaient. Pendant ce temps, le propriétaire, ce Crésus était condamné à se mettre au lit, où il ne dormait pas à cause de ses souffrances. Ces dames se relevaient autour de lui, et l’une après l’autre le berçaient de leurs chansons, de leurs histoires, de leurs propos. De là le nom de berceuses de M. de Beaujon, qu’on leur donna fort généreusement. Du reste, c’était un homme excellent, faisant un bien infini, et employant sa fortune en bonnes œuvres ».
La mort d’un bienfaiteur et le départ de ses berceuses
Perclus de douleurs et vieillissant, Nicolas Beaujon consacra de nombreuses aumônes très généreuses aux œuvres de Saint-Philippe du Roule. Il fonda pour un million et demi de livres un hospice destiné à l’éducation des orphelins et enfants pauvres au n°208 rue du faubourg Saint-Honoré. A leur sortie, les enfants les plus brillants recevaient des bourses pour intégrer l’École de dessin, manifestant son amour durable de l’art.
Il mourut le 20 décembre 1786 au palais der l’Élisée et fut inhumé dans un premier temps à la Madeleine puis dans la chapelle Saint-Nicolas. Ce libertin et philanthrope de la fin de l’Ancien Régime mourut sans héritier et sa fortune alla à tous ceux qu’il voulait protéger, des plus démunis à ses berceuses et anciennes berceuses. Mme de Bonneuil, qui avait déjà quitté sa cage dorée, reçut par exemple en héritage les 80 000 livres que Beaujon avait prêtés à son mari. Elle devint par cette opération sa créancière ! Elle avait une grande carrière devant elle après avoir été formée à la bonne école Beaujon. Elle obtint une séparation de biens en 1787 et n’obligea pas son mari à lui rembourser la somme qui lui était due. Comme cela se faisait sous l’Ancien Régime, les époux séparés pouvaient d’un commun accord poursuivre leurs affaires chacun de leur côté. Mme de Bonneuil soutint toujours son époux et favorisa l’installation de leurs filles rue neuve-Sainte-Catherine, dans le Marais tandis que lui-même avait une chambre au palais du Luxembourg où il exerçait sa fonction de premier valet de chambre du comte de Provence, le frère du roi et futur Louis XVIII.
A partir de la Révolution, ces courtisanes furent traînées dans la boue, complices d’un régime à abattre, celui du luxe, de la corruption et du vice. Les nombreux ouvrages glosent sur ces berceuses qui incarnent ce qu’il y a de plus vil dans la société des privilèges et la Révolution est très dure avec les femmes. Dans l’Almanach des honnêtes femmes publié en 1790 (Photo n°9), Mme Thilorier fait partie du mois de mars, celui des fellatrices, activité qui consiste « à sucer le gland de son amant », à côté des fricatrices de janvier « qui doivent avoir le poignet délié, la main blanche et les doigts longs », des tractatrices qui pétrissent admirablement les c… de son bien aimé, des lesbiennes, etc. Parfait catalogue de pratiques sexuelles des femmes de la haute société, l’almanach diffuse une morale pervertie du monde à abattre pour mieux construire le civisme bourgeois et masculin qui ouvre sur le XIXe siècle. Ce pouvoir des femmes, ces bons procédés entre amour, affaires conjugales et financières avait pour un temps vécu, avant de renaître avec le Directoire en 1795 dans les salons de Mme Récamier ou de Joséphine de Beauharnais.
Les berceuses de Nicolas Beaujon incarnent à bien des égards une douceur de vivre de l’Ancien Régime, raffinée et luxueuse. C’est souvent le souvenir qu’en garde les XIXe et même XXe siècles, au cours desquels se mélangent clichés du Parc-aux-cerfs de Louis XV et magnificences des arts. La Revue européenne écrit ainsi dans son texte intitulé La fin d’un monde et du neveu de Rameau (1861) :
« Et quand ces belles endormeuses ont pris place autour du lit du Parc-aux-Cerfs, où le sommeil et le rêve ont posé leur plus doux tabernacle, les berceuses d’une voix douce et dolente, élégante et tendre, avec des murmures gracieux, de petits rires ingénus, de provoquants silences, des chansonnettes composées tout exprès pour Crésus, le bercent doucement, passant d’un conte à l’autre, et de l’ogre à la fée […] Dormez, sire, , et dormez en paix ! Au bruit des louanges les plus tendres et des plus doux murmures, dormez ! Et quand il est bien endormi, quand sa pensée a quitté cette terre sur laquelle il doit retrouver, le lendemain, à son réveil, toutes ces misères d’où lui viennent toutes ces délices, les berceuses s’en vont souper, pareilles aux songes qui entrent et qui sortent par la porte d’ivoire, dans le palais du Sommeil ».
Frédéric Bidouze